Une fois les principes de la médiation posés[1], reste à en envisager la mise en œuvre.

Quels conflits sont éligibles à la médiation ?

L’entreprise a de plus en plus besoin de médiation.

En interne, le niveau de conflictualité entre salariés ou salarié(s) et direction ne cesse de croître : concurrence entre salariés, manque de reconnaissance, difficultés managériales, partage inadapté des responsabilités, du travail et des ressources… emportant de sérieuses conséquences : souffrance au travail, résultats en baisse, départs de salariés… Des conflits surviennent également fréquemment entre associés ou associé(s) et direction.

En externe, un conflit avec un fournisseur, un distributeur, un client ou n’importe quel partenaire est nécessairement néfaste sur le plan financier et pour l’image de l’entreprise.

Or, loin de menacer le pouvoir des dirigeants ou responsables hiérarchiques, la médiation permet de pratiquer une forme de management des conflits davantage tourné vers l’humain.

Pour autant, n’importe quel litige ne peut trouver d’issue en médiation.

Ainsi, sont susceptibles d’être traités en médiation les différends mettant en jeu les éléments suivants :

  • La relation entre les médiés est à préserver ;
  • Le conflit comporte un fort affect pour les médiés ;
  • La communication entre les médiés est à nouer ou à renouer ;
  • Les médiés sont liés par des contraintes de temps ;
  • Les médiés sont liés par des contraintes financières ;
  • Les médiés sont liés par des contraintes de confidentialité ;
  • La solution juridique est incertaine, inappropriée, démesurée, en demi-teinte et/ou d’une exécution difficile ;
  • L’environnement des médiés n’est pas hostile à la médiation (direction/associés/syndicat/autres salariés…).

A l’inverse, ne pourraient trouver d’issue en médiation les différends mettant en jeu les éléments suivants :

  • Le conflit entre les médiés soulève une question de principe qui doit être tranchée en justice ;
  • Le conflit met en cause une question d’ordre public ;
  • L’un des médiés exerce sur l’autre des violences, pressions et/ou menaces ;
  • Il existe un déséquilibre important entre les médiés ;
  • Le conflit opposant les médiés présente, pour l’un d’eux au moins, un enjeu médiatique.

Comment la médiation est-elle mise en œuvre ?

Mode amiable de règlement des conflits, la médiation n’est pas pour autant dépourvue de tout lien avec le procès. Si elle peut être mise en œuvre hors de toute instance judiciaire, par la seule volonté des médiés, elle peut aussi être ordonnée par le Tribunal saisi, à tout moment, avec l’accord des parties.

  • La médiation conventionnelle[2] :

Elle peut être mise en œuvre en vertu d’une clause de médiation prévue, dès l’origine, dans le contrat objet du conflit.

Sous certaines réserves toutefois :

  • Ne peut être insérée dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur aucune clause imposant une médiation obligatoire soit préalablement à la saisine d’un juge[3] soit à l’exclusion de toute saisine possible d’un juge[4]. A noter qu’il existe une forme de médiation particulière dans les litiges entre consommateur et professionnel[5].
  • Si une clause de médiation peut être insérée dans un contrat de travail, elle ne peut être opposée au salarié compte tenu de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire[6].

Dans les autres hypothèses, la violation de la clause de médiation constitue une fin de non-recevoir non régularisable en cours d’instance entraînant l’irrecevabilité des demandes formulées par une partie en méconnaissance de ladite clause[7].

La médiation conventionnelle peut également résulter d’un accord entre les médiés une fois le litige né. Concrètement, à la suite de leur différend, l’un des médiés proposera à l’autre d’y recourir.

  • La médiation judiciaire[8] :

Elle peut être ordonnée par le juge saisi, avec l’accord des parties, d’office ou sur proposition d’une ou des parties.

La médiation judiciaire peut être mise en œuvre à tout moment de la procédure : dès la saisine de la juridiction, au cours ou à l’issue des échanges des conclusions des parties, au jour des plaidoiries ou après celles-ci ; en première instance ou en cause d’appel. Cela est fonction de la pratique de chaque juridiction.

Le juge saisi d’un litige peut également, en tout état de la procédure, enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qu’il désigne lors d’une réunion d’information portant sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation[9].

Le « plus entreprise » : La médiation peut également être mise en œuvre hors tout conflit afin d’aider les entreprises à mener à bien leur projet, en favorisant la discussion entre les différents acteurs et en prévenant toutes éventuelles difficultés. Elle est alors particulièrement adaptée aux projets menés en interne (par exemple, une restructuration) ou en externe (par exemple, un partenariat inter-entreprises)[10].

Quelles sont les issues possibles à la médiation ?

Total ou partiel, verbal ou écrit, simple ou transactionnel[11], l’accord issu de la médiation peut rester tout à fait confidentiel ou être homologué en justice afin de le rendre exécutoire[12]. En tous cas, l’accord doit respecter l’ordre public.

Mais la médiation peut également n’aboutir à aucun accord. En ce cas, elle aura néanmoins pu permettre aux médiés, dans un court laps de temps, d’exposer l’un l’autre leur position/ressenti et leurs besoins/intérêts ainsi que d’amorcer une reprise du dialogue entre eux. Et ce, sans que leurs droits ne soient menacés puisque la mise en œuvre d’un processus de médiation suspend le délai de prescription[13] qui ne recommence à courir qu’à la fin du processus[14].

Répondant à de nombreux impératifs des entreprises, la médiation a vocation à occuper une place de toute première importance en leur sein.


[1] Cf Article La médiation appliquée aux entreprises…Principes

[2] Articles 1532 et suivants du Code de procédure civile et articles 21 et suivants de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative

[3] Article L.612-4 du Code de la consommation (Cf également, Civ.1ère, 16 mai 2018, n°17-16197 qui présume abusive une telle clause)

[4] Est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges (Article R.212-2, 10° du Code de la consommation).

[5] Qui se rapproche davantage de la conciliation que de la médiation (Articles L.611-1 et suivants du Code de la consommation).

[6] Soc., 5 décembre 2012, n°11-20004, arrêt rendu à propos d’une clause de conciliation préalable mais transposable, selon toute vraisemblance, à une clause de médiation préalable

[7] Chambre mixte, 14 février 2003, n°00-19423 et 00-19424 ; Chambre mixte, 12 décembre 2014, n°13-19684 ; Civ.3ème, 16 novembre 2017, n°16-24642, arrêts rendus à propos d’une clause de conciliation préalable mais transposables à une clause de médiation préalable

[8] Articles 131-1 et suivants du Code de procédure civile et articles 22 et suivants de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative

[9] Article 22-1 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative

[10] On parle alors de médiation de projet (par opposition à la médiation dite de conflit).

[11] Conformément aux dispositions de l’article 2044 du Code civil, la transaction est « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit. ».

[12] C’est-à-dire de permettre son exécution forcée (Article 21-5 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative ; Cf articles 1534 et 1565 et suivants du Code de procédure civile pour la médiation conventionnelle ; Article 131-12 du Code de procédure civile pour la médiation judiciaire). Ceci peut être pertinent, par exemple, en cas d’accord à exécution successive.

[13] A compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation (article 2238 alinéa 1er du Code civil).

[14] A compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois (article 2238 alinéa 2 du Code civil).