Consacrée par la loi n°89-1008 en date du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique, juridique et social[1], l’obligation pour le franchiseur de remettre au franchisé un document d’information précontractuel (« DIP ») fait toujours l’objet de jurisprudence.

 

1. Problématique

Le DIP a pour objectif de permettre au candidat franchisé de s’engager en connaissance de cause. 

L’article L.330-3 du code de commerce prévoit ainsi que « Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause. »[2]

De nombreuses informations doivent alors être délivrées au futur franchisé. Elles sont relatives, notamment, à l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités[3].

Néanmoins, il n’est pas légalement prévu la fourniture de compte d’exploitation prévisionnel. Aussi, si le franchiseur fait le choix d’en communiquer au candidat franchisé, il doit être sincère et vérifiable. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger qu’à défaut, l’erreur sur la rentabilité commise par le franchisé, sur la base d’un compte d’exploitation prévisionnel non sincère et vérifiable fourni par le franchiseur, est de nature à entraîner la nullité du contrat de franchise[4].

 

2. Jurisprudence

Depuis lors, dans une décision en date du 1er décembre 2021, la Haute juridiction a confirmé l’arrêt de la cour d’appel ayant retenu l’existence d’un dol[5].

Ainsi, la communication au franchisé de prévisionnels grossièrement erronés et d’un DIP très lacunaire peut être constitutive d’un dol. La responsabilité du franchiseur peut alors être engagée, qui devra réparer le préjudice subi par le franchisé.

Plus précisément,

  • Le franchiseur a adressé au candidat franchisé un compte prévisionnel pour les trois premières années d’exploitation, dont les données se sont révélées grossièrement irréalistes et dont l’écart avec les chiffres d’affaires réalisés[6], tandis qu’il n’était reproché aucune faute de gestion au franchisé, dépasse la marge d’erreur inhérente à toutes données de nature prévisionnelle.
  • Le DIP de six pages remis au franchisé était succinct, ne comportait, au titre de la description du marché local, que l’indication des parts de deux départements seulement de l’indice national de la consommation calculé par l’organisme de crédit, et ne contenait aucune mention relative aux autres magasins implantés dans la zone géographique.

 

3. Conclusion

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a justement déduit des éléments de preuve soumis à son appréciation souveraine que la communication de ces informations erronées sur un élément substantiel de l’engagement de la société franchisée, dans ces circonstances d’informations lacunaires sur la concurrence locale et l’état du réseau, est constitutive d’un dol ayant conduit à vicier son consentement[7], ainsi que celui de son gérant, malgré l’expérience professionnelle de ce dernier dans le secteur concerné[8].

 

Contrat de franchise et dol du franchiseur

 

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Voir aussi : 

Nullité du contrat de franchise pour erreur sur sa rentabilité économique

 

[1] Dite loi « Doubin »

[2] Dès lors, l’obligation de remise d’un DIP n’est pas circonscrite aux seuls contrats de franchise.

[3] Cf article R.330-1 du code de commerce

[4] Cf notre article Nullité du contrat de franchise pour erreur sur sa rentabilité économique

[5] Com., 01/12/2021, n°18-26572

[6] Il ressort des moyens annexés à l’arrêt que « la comparaison avec les chiffres prévus dans les prévisionnels met en évidence un écart substantiel de 78,15% en année 1, et un écart moyen de 49% pour les années 3 à 5, par rapport aux prévisions pour l’année 3 ».

[7] Pour rappel, le dol se définit comme «  le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. ». Le dol entraine la nullité de l’engagement qu’il affecte lorsque, viciant le consentement, il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Il peut aussi entraîner la responsabilité de l’auteur de dol et, corrélativement, l’octroi de dommages et intérêts au profit de la victime (Articles 1130 et suivants du code civil).

[8] A savoir, des fonctions de direction commerciale pendant plus de 18 ans sur un segment de marché identique