Afin de préparer l’exercice de son activité, une société en formation, non encore immatriculée, a besoin de conclure des actes juridiques.

Hypothèse fréquente néanmoins soumise à un formalisme particulier.

 

1. Modalités de reprise des actes

Entre autres conditions[1], l’acte passé au nom et pour le compte de la société en formation doit faire l’objet d’une reprise par la société selon trois modalités possibles[2] :

  • La signature des statuts portant en annexe un état des actes accomplis pour le compte de la société en formation avec l’indication, pour chacun d’eux, de l’engagement qui en résulterait pour la société. La signature des statuts emporte reprise des engagements par la société, lorsque celle-ci est immatriculée.
  • Le mandat donné à l’un des associés ou à plusieurs d’entre eux[3], ou au gérant non associé qui a été désigné, entre la signature des statuts et l’immatriculation de la société, de prendre des engagements pour le compte de la société. Sous réserve qu’ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l’immatriculation de la société emporte reprise de ces engagements par la société.
  • La décision prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés. Cette modalité de reprise ne trouve à s’appliquer qu’après l’immatriculation de la société.

 

Ces modalités respectées, la reprise ne vaut que pour les actes expressément visés. Elle ne saurait valoir pour d’autres actes, même connexes.

 

2. Rappel de la jurisprudence

La Cour de cassation vient utilement de le rappeler dans un arrêt en date du 30 mars 2023[4].

Faits

Une personne physique prend des locaux à bail commercial au nom et pour le compte d’une société en formation. Le contrat de bail signé avant immatriculation confère au preneur l’obligation de procéder, à ses frais, aux travaux d’aménagement des locaux. En application de cette clause, divers marchés de travaux sont conclus. Les statuts sont signés comprenant une annexe portant état des actes accomplis au nom et pour le compte de la société en formation. Ladite annexe vise le contrat de bail commercial mais non les marchés de travaux.

Se plaignant de désordres, la société désormais immatriculée assigne les constructeurs et leurs assureurs aux fins d’obtenir indemnisation de ses préjudices, principalement sur le fondement de la garantie décennale.

La cour d’appel saisie du litige rejette les demandes indemnitaires de la société, motif pris de l’absence de reprise des actes.

La société se pourvoit alors en cassation et la Cour de cassation rejette également son pourvoi.

Solution

La Troisième Chambre civile estime en effet que la reprise du bail commercial, non contestée, n’emporte pas pour autant reprise des marchés de travaux du seul fait que le bail prévoit expressément l’obligation du preneur d’effectuer ces travaux.

En conséquence, la société n’est pas le maître de l’ouvrage et ne peut pas agir, à ce titre, sur le fondement de la garantie décennale à l’encontre des constructeurs[5].

En somme, pas de reprise implicite[6] !

 

3. Conséquences

Une fois repris par la société, l’engagement concerné est réputé avoir été souscrit dès l’origine par celle-ci. Corrélativement, les personnes physiques ayant conclu l’acte sont libérées de tout engagement sauf à s’être personnellement engagées à l’exécuter.

A défaut de reprise de l’engagement passé, les personnes qui ont agi au nom d’une société commerciale en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale en sont tenues solidairement et indéfiniment[7].

Il convient dès lors d’être particulièrement vigilant lors des actes passés en cours de constitution d’une société.

 

Mon Cabinet d’avocat en droit des affaires situé à Laval, en Mayenne, est à votre disposition pour répondre à toutes vos questions !

 

Voir aussi :

Société en formation : attention à la rédaction des contrats !

 

 

[1] Pour les autres conditions, voir notre article Société en formation : attention à la rédaction des contrats !

[2] Article 6 du Décret n°78-704 du 3 juillet 1978 relatif à l’application de la loi n°78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil et articles R.210-5 et suivants du code de commerce

[3] Dans les sociétés par actions sans offre au public, à un ou plusieurs actionnaires (article R.210-6 al.3 du code de commerce) ; dans les sociétés par actions avec offre au public, à une ou plusieurs des personnes désignées en qualité de premiers membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (article R.210-7 al.4 du code de commerce)

[4] N°21-25920

[5] Cf pour un défaut de qualité à agir en exécution d’une convention : Civ.3ème, 05/01/1994, n°90-17902

[6] Cf déjà en ce sens : Com., 13/12/2011, n°11-10699 : l’exécution de la convention litigieuse n’emporte pas reprise implicite

[7] Articles 1843 du code civil et L.210-6 du code de commerce  ; Cf par exemple, Com., 26/04/1988, n°87-11051 et 11/01/2005, n°01-17477. Pas de solidarité pour les sociétés civiles.