Le contrat conclu à distance : quelques (rares) précisions

Entre autres « subtilités », le droit de la consommation distingue les contrats selon leurs modalités de formation.

Il en est ainsi, notamment, des contrats conclus à distance.

La notion de contrat à distance n’est guère aisée à comprendre. Que recouvre-t-elle ?

1.Définition

Un contrat à distance est un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat[1].

La Cour de cassation a eu récemment l’occasion de se pencher sur cette qualification.

Deux arrêts sont à mentionner.

2.Applications

*Un arrêt en date du 31 août 2022 de la Première Chambre civile de la Cour de cassation est d’abord à signaler[2].

Un consommateur a pris contact avec un professionnel aux fins de procéder à des travaux d’aménagement, d’ameublement et de décoration de son appartement. Après le règlement de différents acomptes, le professionnel a émis une facture de solde des travaux. Le consommateur a assigné le professionnel en restitution de sommes indûment versées et, subsidiairement, en indemnisation.

La Cour d’appel a rejeté les demandes du consommateur, écartant la qualification de contrat conclu à distance au motif que le professionnel n’avait pas mis en place de système organisé de prestation de service à distance.

Sur un pourvoi du consommateur, la Cour de cassation estime qu’après avoir retenu qu’il n’était ni soutenu ni établi que les contrats avaient été conclus au titre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, la cour d’appel en a déduit à bon droit que, bien qu’ayant été conclus sans la présence physique simultanée des deux parties et par le recours exclusif de techniques de communication à distance, ceux-ci ne pouvaient pas être qualifiés de contrats à distance au sens de l’article L221-1 du code de la consommation.

La lettre de la Première Chambre civile (Numéro spécial Droit de la consommation – janvier 2020 à décembre 2024), commentant cet arrêt, est peu compréhensible puisqu’elle précise « Selon le considérant 20 de la directive n°2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, que l’article L.221 1 précité transpose, « la notion de système organisé de vente ou de prestation de service à distance devrait inclure les systèmes proposés par un tiers autre que le professionnel mais utilisés par ce dernier, par exemple une plateforme en ligne. Elle ne devrait pas couvrir, cependant, les cas où des sites internet offrent uniquement des informations sur le professionnel, ses biens et/ou ses services ainsi que ses coordonnées. » / Il s’ensuit que n’est pas soumise aux dispositions du code de la consommation une vente conclue à distance, mais sans recours à un système proposé par un tiers autre que le professionnel contractant. / En l’espèce, le contrat litigieux avait certes été conclu sans la présence physique simultanée des parties et au moyen de techniques de communication à distance (sms, téléphone, courriers électroniques), mais en dehors de tout système de vente organisé, tel qu’une plateforme en ligne utilisée par le professionnel./ La première chambre civile de la Cour de cassation approuve donc les juges du fond d’avoir exclu la qualification de contrat à distance dont se prévalait le consommateur. ».

Or, les Orientations concernant l’interprétation et l’application de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs élaborées par la Commission européenne précisent que « La directive ne s’applique qu’aux contrats à distance conclus dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance. Par exemple, si un professionnel ne conclut un contrat avec un consommateur par courrier électronique ou par téléphone que de manière exceptionnelle, après avoir été contacté par le consommateur, ce contrat ne devrait pas être considéré comme un contrat à distance au sens de la directive. Toutefois, il n’est pas nécessaire que le professionnel mette en place une organisation complexe, telle qu’une interface en ligne, pour les ventes à distance. Des dispositions plus simples, telles que la promotion de l’utilisation du courrier électronique ou du téléphone pour la conclusion de contrats avec les consommateurs, déclencheraient également l’application des obligations de la DDC[3]. ».

D’ailleurs, dans un arrêt récent, la même Première Chambre civile a confirmé la possible qualification de contrat conclu à distance en cas de contrat conclu notamment au moyen de courrier électronique.

*Ainsi, très récemment, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a apporté une autre précision, par un arrêt en date du 5 novembre 2025[4].

A la suite d’un appel téléphonique d’un consommateur, un professionnel – la Société d’exploitation de l’Institut européen de langues – lui a transmis par courriel de la documentation et un dossier d’inscription ; le consommateur est venu déposer ledit dossier dans les locaux du professionnel deux jours plus tard. N’ayant pas obtenu le remboursement des sommes acquittées après avoir fait valoir l’exercice de son droit de rétractation, le consommateur a assigné le professionnel en restitution des sommes versées.

Le professionnel a estimé que le contrat n’a pas été conclu à distance puisque le consommateur s’était déplacé dans ses locaux pour déposer le contrat signé.

La Cour d’appel a condamné le professionnel à la restitution de sommes au profit du consommateur. Elle a en effet retenu que le professionnel avait bien mis en place un système organisé de prestation de service à distance. Elle rappelle, ensuite, que les conditions générales du dossier d’inscription indiquaient qu’une inscription était validée par la constitution d’un dossier complet et que le professionnel ne s’était pas réservé un droit d’agrément des candidats, de sorte que l’acceptation pure et simple de l’offre emportait formation du contrat d’enseignement. La Cour d’appel retient que l’acceptation étant intervenue au domicile du consommateur, les consentements tant de l’offrant que de l’acceptant avaient été manifestés par le biais d’un moyen de communication à distance ou sans la présence physique du cocontractant, peu important que celui-ci se soit ensuite présenté dans les locaux du professionnel pour y déposer son dossier[5].

Sur un pourvoi du professionnel, la Cour de cassation, approuvant la Cour d’appel saisie, estime que, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, les conditions matérielles de remise au professionnel de l’offre, qui a été reçue et signée par le consommateur en dehors des locaux de ce professionnel, sans aucune négociation au moment de cette remise, sont sans influence sur la qualification de contrat à distance[6].

En l’espèce, compte tenu des constatations et appréciations souveraines de la Cour d’appel, celle-ci a justement déduit qu’un contrat à distance avait été conclu entre les parties[7].

En somme, peu importe que le consommateur ait remis en mains propres le contrat signé ; seule compte la façon dont le contrat a été conclu (=remise de l’offre et acceptation consécutive).

3.Conséquences

La qualification de contrat conclu à distance emporte plusieurs conséquences dont les suivantes : obligation d’information précontractuelle renforcée[8], mentions contractuelles imposées sous peine de sanctions lourdes[9], droit de rétractation[10].

 

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[1] Article L221-1, I, 1°, du code de la consommation

[2]21-13.080

[3] Directive n°2011/83/UE relative aux droits des consommateurs

[4]23-22.883

[5] La Cour d’appel retient également que le consommateur a fait un usage régulier de son droit de rétractation, à partir du formulaire qui figurait dans le dossier d’inscription, par un courrier recommandé, faisant ainsi ressortir qu’il avait été exercé conformément aux conditions générales.

[6] Sont également indifférents pour cette qualification les termes de l’article 1121 du code civil, selon lequel le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant et réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue, qui permet, à défaut de stipulation contraire, de fixer le point de départ du délai de rétractation prévu à l’article L221-18 du code de la consommation.

[7] Et que le consommateur avait régulièrement exercé le droit de rétractation qui y était attaché.

[8] Articles L221-5 et suivants du code de la consommation

[9] Articles L221-11 et suivants du code de la consommation et articles L242-1 et suivants du code de la consommation

[10] Articles L221-18 et suivants du code de la consommation

 

Voir aussi :

De la prescription biennale consumériste

 

Photo de Jessica Yap sur Unsplash